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Guyane : au son du Kasékò

le site de la culture tambour

Guyane : au son du Kasékò

Man Serotte : reine du Kaseko guyanais

Comme ses proches voisins : Surinam, Guyana, Brésil, la Guyane est riche de diversités aussi bien humaines, qu’écologiques ou zoologiques… Il en est de même pour les tambours et rythmes qui existent dans cette région.

Pour notre première incursion en terre amazonienne, nous limiterons notre attention à la culture tanbou, telle qu’elle vit aujourd’hui dans la zone urbaine de Cayenne (capitale de la Guyane). Kasékò, c’est le maître-mot quand on parle de culture tanbou du côté de Cayenne. Il englobe musique tanbou, danses et chants chez les Créoles (1). C’est aussi le nom de l’un des rythmes joués lors des Kasékò, là où l’on joue, chante et danse les différents rythmes de cette tradition.

Les Tambours

Il y a trois grands types de tambour, les tanboukasékò, le tanbou grajé et le tanbou kanmougé. Leur utilisation varie en fonction des rythmes et des chants. Les tanbou kasékò sont au nombre de trois : le Koupé joue les solo et suit le chant pendant tout le morceau ; le tanbou Foulé pour l’accompagnement et le Plonbé tient la basse et exécute la figure rythmique. Les peaux utilisées sont de Cariacou (une biche guyanaise), de Kochon bwa (cochon sauvage), de Kabrit (chèvre). Il se dit que les peaux de Tigre ou de Serpent sont aussi utilisées…

Tradition ouverte

Les femmes sont nombreuses dans le milieu du tambour Guyanais. Elles sont chanteuses ou bien « tanbouyen », particulièrement sur le tanbou Foulé. Certaines sont issues de familles ancrées dans le milieu tanbou, d’autres ont appris en allant dans les salles konvwé ou encore au sein d’associations. Cette tradition ouverte fait que la culture tambour est bien ensouchée en terre guyanaise. Les associations de danse traditionnelle avaient perdu de leur succès, notamment auprès des jeunes, mais l’ouverture d’une salle konvwé à Cayenne par Man Serotte (Madame Serotte) – grande figure de la musique guyanaise – a contribué à mieux faire connaître et aimer le Kasékò. Cette salle est ouverte toute l’année, sauf pendant la période du carême, et est très fréquentée. La salle konvwé, c’est là où a lieu le Kasékò. Tout comme les bals grajé d’avant, on s’y s’amuse et on y tient la chronique sociale. Elle est ouverte à tous, toutes origines, classes sociales et générations confondues -. Qui veut, peut danser, chanter, battre le tambour, surtout au début avant que les dòkò, – les maîtres, les anciens – n’arrivent. Il suffit d’attacher le Kanmza, le foulard, autour des reins et de se lancer !

Rythmes, chants et danses

Le Kasékò ainsi que nous l’avions déjà précisé, est aussi un rythme et une danse. Il est joué avec les trois tanbou et un ti-bwa (deux baguettes dont la percussion tient le rythme et la vitesse du morceau, accompagnant les tambours). Ce rythme convie au défoulement mais aussi au soulèvement. Comme pour la plupart des autres rythmes, la danse n’est pas chorégraphiée en quadrille. Les danseurs évoluent par couple et leur nombre n’est pas limité. Autre rythme dansé aussi en couple – il existe une variante en quadrille appelée  » la Boulangèr « – le Lérol. Il est exécuté à l’aide de deux tanbou (koupé et foulé) et un chacha (semblable aux maracas). C’est la chanteuse qui tient le chacha, imprimant le tempo.

Influences et diversités

En Guyane, il est généralement reconnu que les travailleurs venus de Sainte-Lucie (Petites Antilles), à la recherche d’or ont influencé la tradition créole. Ainsi le Débot et le Labassou seraient les fruits de cette rencontre. Le Débot est joué à l’aide des trois tanbou kasékò plus un ti-bwa. Il ressemble au rythme Kasékò mais avec un marké (accentuation) du tanbou Koupé. En ce qui concerne le Labasiou (ou Labassou), on retrouve les tanbou Foulé et Koupé accompagnés du ti-bwa. Les chants appellent à l’amusement, le style est langoureux et la danse, une véritable démonstration de  » kasé ren « , de déhanchements… » Bélia manman, béli, béli,bélo… », et voici le Bélia. Un rythme lent joué avec les tanbou Foulé, Koupé et soutenu par le ti-bwa. Les chants parlent du travail de la terre, des semailles… Il n’y a pas de similitude apparente avec le Bélia que l’on retrouve en plusieurs endroits de l’archipel antillais.

Grajé et Kanmougé

Terminons cette revue par deux rythmes un peu particuliers : le Grajé et le Kanmougé. Tous deux possèdent leur propre tambour. Le tanbou grajé qui présenterait une certaine similarité avec le tambour indien que l’on connaît dans la région, le Matalon. Mais la Guyane ayant été peu concernée par l’immigration des travailleurs venus du sous-continent, il faut peut-être chercher ailleurs les origines de ce particularisme. Le rythme s’interprète également à l’aide du tanbou Koupé. Il se joue sur deux temps et sur un tempo lent. Les chants parlent de la vie sociale. Les bals grajé étaient l’occasion de s’amuser mais aussi de tenir la chronique sociale à l’instar de ce qui se passe dans les salles « konvwé ». Le tanbou Kanmougé (ou Kamougé) est un tanbou  » bwa fouyé « . C’est à dire qu’il est fait d’une seule pièce à partir d’un tronc d’arbre évidé. C’est la version proche de la tradition. Il arrive actuellement que le Kanmougé soit joué sur les tanbou Kasekò. Ce rythme était beaucoup utilisé pour accompagner le travail (agriculture, pêche, construction…) notamment à l’occasion des « mayouris » (chantiers collectifs).

par Diyo Laban

(1) Amérindien, Créole et Bushinengue sont historiquement les trois groupes humains fondateurs de l’actuelle société guyanaise. Les Créoles constituent le groupe le plus important en milieu urbain.

Ecouter CD Man Serroteet Buisson Ardent (p) Buda Music.

Lire ”Musiques et danses créoles au Tambour de la Guyane francaise” par Monique Blérald-Ndagano Collection Espace Guyanais Editions Ibis Rouge, 1996.

 

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