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Danyel Waro : le troc des civilisations – entretien

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Danyel Waro : le troc des civilisations – entretien

Danyel Waro - crédit S. Delphin

Syncope n° 11 – avril 2005

Il y a 1 an, nous partions tambour battant avec pour seul instrument l’envie de partager notre passion pour le Tanbou, le Jembe, le Ka, le Oulèr, le Ti-Bwa, le Bob, les Tablàs, le Zarb, plus tous ceux que nous ne connaissons pas encore, mais que nous découvrirons avec vous qui nous accompagnez depuis 12 mois, de Petrona Martinez à Danyel Waro….Merci !

Trois décennies de Maloya

«Au début (1975), il y a le message du combat politique puis au fur et à mesure, je deviens entre guillemets (sic) « artiste ». Au fur et à mesure, je me libère par le Maloya. C’est une vraie philosophie, une vraie respiration que j’inscris dans une éternité, pas un phénomène de mode ou de Top 50 destiné à vendre…Mais pour faire exister notre réunionité à nous, qui s’inscrit dans une universalité, dans une humanité. C’est ambitieux mais c’est comme ça que je le vois, le Maloya…Le lien avec l’histoire, le sacré, la souffrance, l’esclavage, l’exil…et en même temps tout cela qui a entraîné la reconstruction d’une nouvelle humanité, faite de résistance, de rébellion, de liberté et de soumission aussi…Pour moi la leçon, c’est qu’il faut toujours résister quelle que soit la situation, le statut ou le drapeau. La condition de l’amour et de la liberté, c’est la résistance à toute manipulation, à toute norme. Je me mets dans cet état d’esprit-là, de rester peut-être un enfant….».

 » Parler sa langue, ça veut dire être sur un pied d’égalité et pouvoir accueillir l’Autre  »

Les batailles actuelles à La Réunion

Se retrouver, comprendre qu’on est riche. Avec le Maloya, je prends la parole, je prends ma liberté, je parle ma langue et ce n’est pas du tout honteux de parler sa langue, au contraire § Les gens voient encore cela comme une enclave, un ghetto, une fermeture car c’est tellement bien huilé qu’il y a autocensure ! Mais parler sa langue, ça veut dire être sur un pied d’égalité et pouvoir accueillir l’Autre, c’est pouvoir recevoir ce qu’il a à offrir et avoir quelque chose aussi à donner…C’est avoir une humanité réunionnaise […]. C’est quand on se libère qu’on peut accueillir les autres […]. C‘est pourquoi je dis que mon identité déborde de toute ma batarsité, de tout ce qui fait la honte dans la tête des gens…Je suis mélangé et c’est un bonheur, je parle le créole ? c‘est super ! Je joue le Maloya : c’est grandiose !».

A propos des puristes

« Je suis dans une démarche de vie, d’humanité, d’échanges….Je vois les gens qui vont à l’église, aux servis Kabaré, aux cérémonies indiennes. Je me dis : il y a les fleurs, les odeurs, une vibration…mais quand je joue le Maloya dans une cérémonie, je ne me pose pas la question de savoir si l’esprit est là ou pas. Je vis tout simplement. […]. La Réunion, c’est justement le mélange. Si les gens cherchent à revenir en arrière, on efface tout, et on se déchire en quatre. Bien sûr, il faut fouiller dans ses racines et dans le passé, mais aussi regarder notre présent qui est riche…Les traditions ne peuvent plus être «pur Mozambique» ou «pur Inde» ou «pur France». Non, c’est nouveau et c’est réunionnais…Il faut arriver à une identité réunionnaise et ça c’est difficile…Quand il se présente à l’extérieur, le Réunionnais a tendance à dire : « chez nous, les Blancs ont telle tradition, les Malbars marchent sur le feu, les Kafs font ça » et la personne qui dit ça, ne se rend pas compte qu’elle est elle-même tout cela à la fois, à des degrés différents, dans des mélanges complexes. On devrait dire : « Nous faisons la marche sur le feu, nous faisons les rituels afro-malgaches, on va à l’église catholique, on va à la mosquée ». Certains puristes voudraient que je n’utilise pas le tambour malbar mais je leur dis que je ne peux pas ! Même avec un fusil sur la tempe ! Que je le veuille ou pas, que j’aime ou pas ce tambour, je ne peux pas l’effacer. Je ne suis pas un seul  » truc  » mais je suis riche de plusieurs apports en même temps …Ce n’est pas un vœu pieux , c’est la réalité; Lorsque je découvre le Maloya, je vais rester à l’écart parce que ma couleur ne correspond alors que ça m’appelle ? J’entends « il est blanc mais il chante le Maloya » qui sonne comme « il est noir mais il est intelligent». C’est ce  » mais  » qu’il est intéressant à analyser ».

Propos recueillis par Stéphane Delphin
version complète sur videos youtube

 

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