Paris, France
info@syncope.be

Gary Legrand : le peintre-tanbouyé

le site de la culture tambour

Gary Legrand : le peintre-tanbouyé

Sita-Lantaa

SYNCOPE n° 14 Juillet 2005

Gary Legrand est d’abord artiste peintre. Depuis de nombreuses années il expose ses œuvres en région parisienne et ailleurs… Il a aussi une autre passion, le tambour, en particulier celui de son pays, Haïti.

Lorsque vous demandez à Gary Legrand quand et comment il a commencé à jouer du tambour, c’est la bande-son de sa mémoire d’enfance qu’il vous fait entendre.  » Petite Rivière de l’Artibonite, Haïti, j’ai une douzaine d’années, on est à Pâques, j’entends les bandes Rara1 qui se déchaînent. Les joueurs de tanbou et de bambous de Plonjon, Model, Boujwa, Siklonn – Les noms des bandes sont extraordinaires !- sont des virtuoses et s’affrontent pour la plus grande joie de ceux qu’ils entraînent à leur suite. Moi je ne peux pas, mes parents veillent au grain, mais mon copain Elio, lui, les suit, yeux et oreilles grands ouverts. Ensuite il vient tout me raconter et on refait le Rara dans la cour de la maison.  » De l’avis de Gary, le tambour c’est l’instrument le plus naturel pour un jeune haïtien.  » Tu prends n’importe quel faitout ou bien une boite de conserve et c’est bon, tu peux jouer à refaire les rythmes que tu as entendus dans la rue. On avait mis au point une bonne technique pour obtenir un son qui se rapprochait de celui des peaux. Sur nos cylindres, on étendait du tissu avec des élastiques et ensuite on étalait de l’argile mouillée dessus. Une fois que l’argile avait séché le tissu rendait un son pas mal.  »

Sita-Lantaa

Richesse du tambour haïtien

Autre souvenir, celui de Matino.  » un poly-instrumentiste surdoué. Il habitait chez nous et c’est avec lui que mes connaissances en musique racines ont vraiment évolué. Makino était capable de vous refaire toute l’instrumentation d’une bande Rara à lui tout seul, faisant le banbou avec ses narines ou sa bouche, tout en reproduisant le tanbou. » Après cette période où notre tambourinaire formera son oreille, c’est à l’école Nationale des Arts à Port-au-Prince où il étudie la peinture dans les années 80, que toute la richesse de la tradition rythmique haïtienne lui apparaîtra. Notamment celle des rythmes vodou, qui changent selon les rites ou bien les régions.  » Quand on a conscience de cette diversité, on a aussi conscience de l’étendue du savoir qu’exige le fait de jouer du tambour. Je connais mes limites. J’accompagne des tambourinaires bien plus expérimentés que moi, quelle que soit la figure exécutée, mais ce n’est pas moi qui vais dire qu’ici il faut un Rabòday ou bien un autre rythme. » Depuis son installation en France il y a quelques années, Gary Legrand a élargi le cercle de ses expériences musicales. Il a notamment été percussionniste de Sita Lantaa, groupe composé de musiciens africains, européens et caribéens.

Peinture et tambour

Le peintre et le percussionniste ne s’ignorent pas.  » Ce sont pour moi deux façons de m’exprimer,  » souligne Gary pour qui la musique, en général, est très importante.  » Il m’est arrivé de ressourcer mon inspiration picturale dans la musique.  » Mais l’artiste aime surtout associer ses deux passions.  » J’ai des toiles qui sont inspirées de vèvè (2) et lors d’une récente exposition j’ai demande à Jean-Claude Joseph, qui m’a enseigné certains rythmes Vodou, de m’accompagner durant la présentation au public. J’ai ainsi expliqué ces vèvè et lui, de son coté, nommait les Lwa (3) qui y sont liés et jouait les rythmes qui conviennent à chacun de ces esprits lors des cérémonies.  » Peinture et tambour partagent cette capacité à aller chercher les gens au-dedans d’eux-mêmes, c’est ce qui plait à Gary Legrand. Ainsi, en mai dernier cette répétition avec un danseur cubain où le langage du tambour a été bien plus puissant que celui des mots.  » Ce jour là nous avons installé une véritable ambiance de cérémonie, lance dans un rire notre peintre tanbourinè, et des personnes présentes sont venus me dire qu’elles étaient entrées en transe…  » Lui qui aime provoquer les réactions à travers sa peinture et met la rencontre au cœur de sa démarche artistique, s’émerveille encore de celles que provoque le tambour

par Diyo Laban

1 Défilés de groupes à pieds jouant du tambour et soufflant dans des morceaux de bambous appelés aussi Vasksin. Gary Legrand les assimile au didgeridoo australien.
2 Dessins rituels
3 Divinités vodou

CD Ecouter :  » Femme fatale  » Sita Lantaa, autoproduction, 2000,

Voir : Les tableaux de Gary Legrand sont visibles sur www.alliance-haiti.com (rubrique Art)
www.multimania.com/couleurdesmots (rubrique Peinture)

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *