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Petrona Martinez : tambour au féminin avec la reine du Bullerengue

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Petrona Martinez : tambour au féminin avec la reine du Bullerengue

petrona martinez

N° 1 – Syncope – avril 2004

Mieux vaudrait ne pas manquer les concerts fin mars de Petrona Martinez dans le cadre du Festival de l’Imaginaire ! Cette grande dame est devenue l’emblème vivant du Bullerengue, tradition afro-colombienne de la côte Caraïbes. Après deux passages confidentiels à Marseille l’an dernier, elle foulera pour la toute première fois une scène de la région parisienne

Initialement, il n’était chanté que par des filles-mères ou des femmes concubines indésirables lors de certaines festivités religieuses et bals populaires.

Le Bullerengue est un chant exclusivement féminin, dialoguant avec deux tambours nommés les Llamador et l’Alegre. Initialement il n’était chanté que par des filles-mères ou des femmes concubines indésirables lors de certaines festivités religieuses et bals populaires. A l’écart telle une confrérie, elles se réunissaient dans une maison chantant et tapant des mains. Quant à la présence des hommes – seuls habilités à jouer du tambour – elle se limitait aux tanbouyé. Côté danses, les massages du bas-ventre et de la poitrine que miment les Bullerengueras rendent hommage à la fertilité de ces femmes devenues « incorrectes » le temps de certaines fêtes.

Traditionnellement, les bullerengueras avaient aussi pour rôle d’accompagner certains rites funéraires, notamment lors des veillées funèbres

Traditionnellement, les bullerengueras avaient aussi pour rôle d’accompagner certains rites funéraires, notamment lors des veillées funèbres. Aujourd’hui, la pratique du Bullerengue n’est plus liée au calendrier religieux. Bien que de plus en plus populaire, on ne peut associer son succès à de meilleures conditions de vie pour ses héritiers. Ainsi, il n’y a qu’à voir le dénuement de Palenquito, le village de Petrona Martinez situé à moins d’une heure de Carthagène. Palenquito, qui est si proche de la culture noire Palenque dont l’épicentre San Basilio est loué aujourd’hui pour son histoire de résistance à l’esclavage, et pour son aptitude à avoir conservé vivants une langue et des rites africains. A l’heure actuelle, Palenquito, c’est un village où hommes, femmes et enfants vivent du sable, qu’ils extraient à la pelle du lit de la rivière ! Des mètres cubes de sable arrachés à l’eau qui trônent devant les maisons…

San Basilio est loué aujourd’hui pour son histoire de résistance à l’esclavage, et pour son aptitude à avoir conservé vivants une langue et des rites africains.

Ceci est le quotidien de Petrona Martinez depuis plus de vingt ans…. Un travail rude pendant lequel, entourée des siens, Petrona pouvait fredonner des mélodies apprises de mère en fille, et en inventer de nouvelles….Ses ascendantes, grand-mère et même arrière-grand-mère furent elles-mêmes des bullerengueras renommées, en un temps où cette tradition n’était pas encore un spectacle. C’est donc tout naturellement qu’elle chante le Bullerengue en famille, accompagnée de Joselina sa fille, aux chœurs, et Alvaro le fils cadet, au tambour Alegre. Au fil du temps, il a remplacé Luis, le tanbouyé de cœur, fils aîné de Petrona, assassiné à Carthagène par des voleurs, comme c’est si souvent le cas en Colombie…Un long deuil, une pause dans les enregistrements, avant de revenir avec un nouvel opus1 ancré dans la tradition sans y être figé. Aux côtés de titres du plus authentique Bullerengue,« Bonita que Canta » est un album qui propose d’autres styles musicaux comme le Fandango2, la Chalupa ou la Puya qui eux, ajoutent d’autres instruments comme la Tambora (tambour à deux peaux frappé avec des baguettes) et le Guache qui n’est autre qu’un grattoir métallique.

 » il a remplacé Luis, le tanbouyé de cœur, fils aîné de Petrona, assassiné à Carthagène par des voleurs  »

A 65 ans, l’envol de Petrona pourrait prendre une direction que l’on ne soupçonne pas tant sa personnalité et son art risquent d’en surprendre plus d’un ! Preuve que, même si sa maison est en torchis, même si la violence lui a arraché un fils « La Vida Vale la Pena » comme elle le chante.

par Stéphane Delphin

(1) CD « Bonito que canta»
MTM – YARDHIGH 2002.(2) Bal populaires, paysans.
En concert au mois de mars les 26, 27 à 20h30, le 28 à 17h Théâtre Equestre ZINGARO
176 avenue Jean Jaurès, 93300 Aubervilliers
M° Fort d’Aubervilliers.
Réservations au 01 45 44 41 42


 

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