Les racines tambour de la Jamaïque
Syncope – n ° 11 avril 2005
“Elle est habillée de vert, et son visage est aussi sombre et aussi beau que celui de tout autre pays dans le monde”.
C’est ainsi que le célèbre écrivain afro-américain Langston Hugues décrivait son nouvel amour : la Jamaïque. On ne pourrait ajouter qu’une chose à cette flamboyante déclaration d’amour « et son cœur n’est que vibrations musicales ». Dans la deuxième moitié du 20ème siècle, cette île des grandes Antilles est devenue l’une des plus importantes pourvoyeuses de sons et de rythmes de la sono mondiale. Aux racines de cette puissance musicale jamaïcaine, il y a les tambours et particulièrement trois traditions : Kromanti, Kumina, et Buru.
Real Kumina by » The Unstoppable »
Afrikamaïque
La tradition Kromanti rassemble les rythmes joués par les «nations marrons». Fuyants et résistants au système esclavagiste dès le 17ème siècle, ces Africains se sont constitués en groupe structuré et ont institué des traditions musicales et religieuses autour du tambour, encore vivaces aujourd’hui. Rythmes et tambours Kumina, sont le don de la « nation Bongo » à la Jamaïque. Au lendemain de la mise à mort de l’infâme système esclavagiste, les nouveaux libres fuient l’enfer des plantations .Un peu partout dans la région Caraïbe, les colons font venir des travailleurs sous contrat ,Indiens et Africains originaires de l’aire Congo. Les «Kongo», comme on les appelle dans certaines îles de l’archipel antillais, apporteront avec eux tanbou, rythmes et chants. En Jamaïque, leur tradition s’est diffusée et est très influente.
Les tambours de Jah
Buru, un nom superbe, pour un autre langage tambour qui fut longtemps méprisé en public, mais apprécié en cachette. Diverses sources rapportent que les tanbouyé Buru ont souvent été considérés comme des gens de mauvaise vie. Née dans la période de l’esclavage et sur les habitations, apparemment moins liée aux pratiques rituels que le Kumina, plus festive, la tradition Buru est pourtant considérée comme étant la principale influence de la musique religieuse rasta Nyabinghy.
A l’origine de cette rencontre entre religion et tanbou, un tanbouyé hors pair, Count Ossie. A l’école des maîtres des traditions tanbou, il forgera la base rythmique des fameux«Grounation» où les fidèles de Jah psalmodient au son du Repeater (solo), du Funde (rythmique) et du Bass-Drum ou At-Man (basse). Count Ossie décède en 1976 ; son nom est inscrit au panthéon rasta et musical de son pays. La «Mystic Revelation of Rastafari», groupe qu’il a fondé, continueà diffuser depuis plus de cinquante ans des vibrations de paix. C’est à cette veine que s’est nourrie l’inspiration de nombre de musiciens jamaïcains, Rasta ou non. Ecouter le cœur de la Jamaïque pulsé au creux des sonorités rock du reggae ou des «riddims» hypnotiques du dancehall, c’est entendre ses tanbou, symbole de la résistance séculaire de son peuple.
par Diyo Laban
Lire / Écouter :
Kenneth Bilby : «Musique des Nations africaines en Jamaïque» sur www.lameca.org«Le premier rasta» Hélène Lee col. Étonnants voyageurs, Flammarion 1999
Count Ossie and the Mystic Revelation of Rastafari, “Tales of Mozambic”, Dynamic, Esoldun, 1975
Mystic Revelation of Rastafari ,“Bongo Man a come”, Night and Day , 2001