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Philippe Makaïa : la voie du Ka

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Philippe Makaïa : la voie du Ka

Philippe Makaïa : la voie du Ka

SYNCOPE N ° 6 Novembre 2004

Tanbouyé aux doigts de fer et à la voix posée, Philippe Makaïa est aujourd’hui un « Gwoka master  » recherché dans un monde musical de plus en plus friand de mélange..Modeste, le guadeloupéen se dit heureux de faire connaître son tanbou, le Ka, sa musique, le Gwoka, et à travers eux, son pays.

« Mon école à moi, c’est la rue… »

Le parcours musical de Philippe Makaïa débute au milieu des années 70 sur la place du bourg de Morne-à-l’Eau, en Guadeloupe. »Morne-à-L’eau était une commune tolérante à l’époque, à l’égard du Gwoka. Ce qui n’était pas le cas partout, précise t-il, notamment à Pointe-à-Pitre [le chef lieu] où les tanbouyé ont dû s’imposer pour continuer à jouer sur le boulevard. « AMorne-à-l’Eau on mettait les Ka sur la place et on jouait tous les jours pendant des heures et des heures. »Une envie de jouer, d’apprendre et d’innover qui se concrétisera par la formation d’un groupe de quatre tanbouyé baptisé Gwo Siwo. Une époque qui a marqué le musicien. « Nous étions jeunes et nous voulions faire de grandes choses, peut être cela nous dépassait-il ? » Il en résultera tout de même l’album « Kafraternité », considéré par certains comme un disque mythique, seul témoignage de l’état d’esprit qui régnait alors. Une autre caractéristique de Morne-à-L’eau pèsera lourd dans la formation du chanteur Makaïa : Ce sont les veillées mortuaires ! « Il y en avait souvent, se souvient Philippe, très animées, avec beaucoup de chants et de Boulagyèl (1) et des jeux comme le Zizipan (2) « . Pendant la veillée, pas de tanbou ! C’est leBoulagyèl qui prend sa place. Les voisins venus des Grands-Fonds, terre de prédilection des chants polyphoniques guadeloupéens, apportent leur concours.C’est là que Philippe rencontrera celui qui lui apprendra le chant : Lambert Milon. Homme de fidélité, le tanbouyé aime à citer et remercier tous ceux avec qui il a partagé l’amour et la connaissance du Gwoka. Parmi toutes ces personnes reviennent souvent les noms de deux maîtres : Vélo et Guy Konkèt.

Fidélité et ouverture

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Sur le boulevard, à Pointe-à-Pitre, le mornalien jouera avec de nombreux et talentueux musiciens dont Vélo. Pour toute une génération, celui-i est  » Le « maître. D’ailleurs Philippe considère qu’à cette époque, il suivait l’enseignement de Vélo (Lékòl a Vélo). L’émotion est perceptible quand il évoque le souvenir du petit homme au chapeau de pêcheur qui faisait résonner son Ka dans Pointe-à Pitre. « Vélo a cassé la tradition, il avait déjà voyagé dans sa tête et il aurait pu jouer avec un guitariste s’il le voulait…  » Autre rencontre déterminante celle avec Guy Konkèt. « C’était un autre niveau. Guy est celui qui a fait sortir le Gwoka de Guadeloupe et l’a fait connaître dans le monde. Il y a introduit d’autres instruments : basse, contrebasse. Travailler avec lui m’a ouvert l’esprit et formé l’oreille. » Le Boulayè-Makè (3) Makaïa est maintenant un professionnel reconnu et sa discographie reflète son ouverture d’esprit : Jazz – avec David Murray entre autres -, musique bretonne, nouvelle approche du Gwoka, avec la guitare de Jean Christophe Maillard ou bien au sein de Wopso. Aujourd’hui, la somme de toutes ces expériences se retrouve dans la composition de son nouveau groupe : deux tanbou, une contrebasse, une guitare et un trombone. Une formule qui dans les deux albums du groupe Wopso, avait révélé un son feutré,avec un Boula bien rond et un Makè pas trop « éclatant  » où se posaient voix, cordes et trombone. Sur scène Philippe Makaïa chante et s’accompagne sur son Ka ou avec un Djembé. Un Djembé pas comme les autres. « Beaucoup de Makè utilise le djembé car c’est à la mode, affirme t-il. La peau du mien est cerclée et serrée avec des clés comme celle d’un Ka de Guadeloupe. » L’homme reste fidèle à sa tradition mais est favorable aux évolutions : « La base reste là mais il faut aussi des innovations. Le musicien doit chercher à évoluer et récolter les fruits de l’expérience. » .

par Diyo Laban

1/ Boulagyèl (Boulagèl) :Reproductions vocales et polyphoniques du jeu du tanbou Boula,sur lesquelles le chanteur pose sa voix.

2/ Zizipan : Se joue avec une tige de boisou un sabre (machette) frappé de bas en haut en cadence,les participants passent la main en dessous et essaient de nepas se faire frapper.

3/ Boula et Makè : Tambours de latradition Gwoka. Le Boula est le plus gros et le plus grave. Ilsoutient le rythme en continu. Le Makè, plus petit etplus aigu, sert à jouer les solos. Il accompagne lesdanseurs dans un dialogue improvisé ou codifié.Les musiciens sont appelés Boulayè ou Makèen fonction du tanbou, du Ka, qu’ils utilisent.

Discographie sélective

Gwo Siwo/Gwo Kato, LP « Ka Fraternité »

Debs Prod. 1995(réédition)Wopso LP Wopso, 1995 ; LPLespwa, 2001.Prod. Wopsolivier et Roby

Jean Christophe Maillard LP « Ka suite ». Prod. Abacaba/PMC 2000

David Murray and the Gwoka masters LP Gwotèt. Prod. JustinTime/Harmonia Mundi Jazz 2004

 

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